Premiers soins pour la voiture hippomobile acquise par le Département

Mercredi 15 novembre 2023

C’est en 2021 que le Conseil départemental suit la volonté audacieuse sur le plan juridique de la Présidente d’acquérir dans une vente aux enchères en Belgique, une voiture hippomobile du XIXème siècle dont les flancs sont estampillés : « Service de Bagnols à Mende ».

La diligence, de 4,50 m de long sur 3,10 m de large, appartenait à un collectionneur nommé André Becker, qui avait fait fortune en inventant la tente « igloo », et dont les collections ont été mises en vente après son décès. « Cette diligence appartenait à un hôtel de Bagnols-les-Bains et transportait les curistes depuis la gare de Mende, livre Isabelle Darnas, conservatrice en chef du patrimoine au Conseil départemental. C’est assez unique de trouver un tel objet. On peut trouver plus facilement des calèches transmises dans les familles, mais il est rare de conserver les véhicules collectifs, qui étaient détruits à mesure des avancées technologiques. » Acquise pour la somme de 14 300 €, la diligence a été rapatriée en Lozère avec la plus grande précaution en août 2021. A terme, le véhicule patrimonial sera restauré et ramené à Bagnols-les-Bains pour y être exposé. « C’est inouï que cet objet soit parti de Lozère pour la Belgique, pour revenir aujourd’hui. C’est une grande chance », s’amuse Klaus Lorenz, restaurateur d’œuvres d’art, qui travaille sur le projet avec l’équipe de la conservation du patrimoine du Conseil départemental.

Pour l’instant, le projet final n’est pas encore arrêté, mais les opérations de conservation ont débuté. Ce mois-ci, Cécile Vanlierde, chargée de conservation curative et préventive au Conseil départemental, Klaus Lorenz et Catherine Oudoin-Lorenz ont procédé aux premières opérations de conservation. « La toute première mesure, nous l’avons prise dès son arrivée en Lozère : nous avons soulevé la diligence pour soulager les roues du poids de la calèche et pour que la surface de la semelle ne soit pas en contact avec le sol où se créent des points d’oxydation, explique Klaus Lorenz. Ensuite, nous avons traité les oxydations avec un produit totalement neutre qui préserve les polychromies et ne s’attaque qu’à la rouille, nous avons traité les bois contre les xylophages, notamment les vrillettes, nous avons aussi effectué un grand dépoussiérage et un nettoyage des capitonnages pour éviter le dessèchement des cuirs ».

Le nettoyage méticuleux révèle l'histoire de la diligence

 

C’est à la faveur de ce nettoyage méticuleux que les conservateurs-restaurateurs ont pu explorer chaque détail de la diligence et mener l’enquête sur son histoire. Composée de trois compartiments pour les passagers et d’une place au-dessus du wagon pour le cocher, la voiture a plus d’un recoin à sonder. La première classe était certainement au centre de la voiture. Équipée d’un capitonnage conséquent, elle possède également un coffre sous l’assise et un second banc « destiné à poser les bagages, les pieds, ou peut-être un couffin, imagine Catherine Oudoin-Lorenz, et tout l’intérieur est décoré avec une peinture en trompe-l’œil façon loupe », précise-t-elle. Les détails se révèlent au fur et à mesure de l’examen minutieux. Ici le numéro des places peint au pochoir, là des sangles pour retenir les vitres, là encore des traces de tissu, reliquats d’une poche de rangement, « Nous trouvons des polychromies jaunes à filet noir sur l’ensemble de l’objet, même sur des endroits non visibles de l’extérieur, c’est très étonnant, souligne Klaus Lorenz. Certains éléments ont été réparés ou changés par le collectionneur, mais toujours dans le respect des techniques et des matériaux de l’époque. Les vitres par exemple, ont été remplacées, mais par des fenêtres qui correspondaient, par leur texture, à des vitres de l’époque. Très peu d’ateliers en fabriquent encore. Sans cette texture, l’objet n’a pas d’âme, c’est très flagrant. » Après les auscultations soignées et la cure de jouvence, la voiture hippomobile a été emballée et mise à l’abri en attendant la prochaine étape.

L’objectif des opérations de restauration est de garder « l’histoire matérielle de l’œuvre » dans toute sa profondeur, de raconter sa provenance, ses différents usages, ses périples, ses routes et déroutes et de permettre d’imaginer peut-être les voyageurs, les dialogues échangés, et leur vie, une fois le marche-pied descendu.