Cantons redécoupés, ruralité sacrifiée

Vendredi 14 février 2014

La loi prévoit que la Lozère  passe de 25 à 13 cantons en 2015. Mais le redécoupage proposé méprise complètement les intérêts de la population. Le  Conseil départemental a voté contre, opposition et majorité réunies, et en appelle à la mobilisation.

Le vote du Conseil départemental le 27 janvier est sans appel, à l'unanimité des voix exprimées. 23 contre, 0 pour, 1 abstention et 1 non-exprimé. La Lozère rejoint ainsi la longue liste des Départements opposés au redécoupage cantonal préparé par le ministère de l’Intérieur en vue des élections de 2015. Partout en France les élus sont vent debout contre ce projet, tant sur le fond que sur la forme. Sur la méthode, tout d’abord, qui se fait par simple décret, sans concertation ni passage devant l’Assemblée nationale. Sur le résultat, ensuite, incohérent voire catastrophique. « Le Gouvernement  aurait dû demander aux élus de tous les Départements de faire une proposition de carte et de trancher éventuellement sur des points de désaccord », déplore le président du Conseil départemental, Jean-Paul Pourquier.


Petit rappel des faits.

Afin d’instaurer la parité dans les conseils généraux, le gouvernement a modifié le mode de scrutin dans la loi du 17  mai 2013.
Chaque canton élira non pas un conseiller général mais un binôme homme-femme. Pour ne pas doubler le nombre d’élus, il fallait donc diviser par deux le nombre de cantons et redessiner la carte.
L'objectif annoncé était aussi de corriger les inégalités de populations entre cantons. « Le seul critère retenu par la loi est un critère démographique avec une latitude de + ou - 20 % par rapport à la population moyenne par canton du département. À aucun moment, la notion de territoire n'a été retenue ». Et c'est là que le bât blesse.

« LE MONT LOZÈRE IGNORÉ ! » DÉCLARE JEAN DE LESCUREEn Lozère, cela revient à dessiner des cantons autour de 5 929 habitants. Le canton le moins peuplé sera celui du Collet-de-Dèze (4 794 habitants) et le plus peuplé celui d’Aumont-Aubrac (6 923  habitants). Mais la logique des voies de circulations n’est pas prise en compte, pas plus que les intérêts communs et les bassins de vie (Marvejols et Montrodat, par exemple, vont se retrouver dans deux cantons différents), ni les limites des cantons et des intercommunalités existants. Quant au barrières  géographiques,  leur  considération est à géométrie variable : si la Margeride a bien été respectée, le Mont Lozère est carrément ignoré !
Dès  réception  de  la  carte,  le  Conseil départemental de Lozère a lancé une consultation citoyenne pour avis. Et c’est bien l’incompréhension qui domine dans les nombreux mails reçus. « Cette carte additionne les habitants des communes pour en faire des cantons identiques », « Ce sont des cantons trop vastes pour le milieu rural », « Rien ne lie certains lieux si différents tant au niveau historique, humain, culturel », peut-on y lire. Les Lozériens dénoncent « une carte déconnectée de la réalité des habitants », un « dépeçage » et un « découpage politique ».

La disparité la plus flagrante concerne très certainement le canton de Saint-Etienne-de-Valdonnez  qui  regroupera  27  communes sur 880 km 2  – il sera 78 fois plus grand que le canton voisin de  Mende ! –, séparées  par  la  barrière  naturelle  du Mont  Lozère.  «   Voilà  à  quoi  aboutit  la seule prise en compte d’un critère démographique : à une aberration ! s’agace le premier vice-président du Conseil départemental de la Lozère, Jean de Lescure, président de la communauté de communes de Villefort . De Paris, ils ne voient pas les 1 700 m du Mont Lozère et la difficulté de le franchir. Le temps de parcours d'un bout  à  l'autre  de  ce  territoire sera de l'ordre de 3 heures au moins. Historiquement, la vie s'est organisée de part et d'autre de cette barrière géographique. Naturellement, le canton de Villefort aurait dû être rapproché de celui de Langogne. Les habitants sont très inquiets pour le maintien des services publics. Désormais on aura trois collèges et trois gendarmeries sur un même canton. Qu'en sera t-il demain ? Je me battrai en tout cas pour les conserver. »

PÉTITIONS ET RECOURSC’est pourquoi la population du secteur de Villefort a lancé une pétition qui sera envoyée au Conseil d'État. Car tout un chacun, élus, habitants, groupes de citoyens, syndicats, organismes  professionnels, tout le monde peut faire remonter, en parallèle du vote négatif du Conseil départemental, des éléments à la section de l’intérieur du Conseil d'État afin de faire bouger les lignes. L’avis du Département n’est, en effet, que consultatif et c’est le ministère de l’Intérieur qui a tout pouvoir.

Cet article est extrait de Couleurs Lozère Magazine