Loi montagne : les propositions de la Présidente du Conseil Départemental

Découvrez les propositions de Sophie Pantel relatives au projet de Projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne. Ces propositions ont été transmises aux parlementaires.

 

Les territoires de Montagne qui représentent environ 15% du territoire national, se caractérisent par une concentration des richesses dans le domaine des aménités (environnement, paysages, biodiversité, bio ressources, forêts, qualité des eaux superficielles, etc.). Hélas, ces aménités qui participent aux attentes de la société sur l'ensemble du territoire national, ne sont pas suffisamment valorisées et sont peu ou pas génératrices de richesses économiques.

 

En effet, dans un contexte majeur de changement climatique, tout ce potentiel n’a pas de valeur « marchande » directe. Pour ne prendre que ces exemples, l’eau de qualité produite sur nos têtes de bassin ou la captation du carbone par nos vastes territoires forestiers ne sont pas, en effet, monétisés.

Il est donc nécessaire de se donner une véritable ambition pour la montagne. Ce qui jadis était perçu comme des handicaps doit désormais être identifié comme de véritables atouts. La politique pour la montagne doit donc reposer sur ses atouts, ses aménités et instaurer une réelle discrimination positive en sa faveur.

Au regard de ces éléments et alors que le projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne est examiné par l’Assemblée Nationale, la Présidente du Conseil départemental Sophie Pantel souhaite apporter sa contribution au débat afin de permettre une amélioration du texte au sujet des spécificités des zones de montagne en formulant les propositions suivantes.

 Solidarité Financière 

 

  • Compléter les critères d’attribution de la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF). Ils reposent actuellement en grande partie sur des données démographiques. Or les charges incombant aux collectivités locales en zone de montagne sont liées non seulement à la population, à la forte dispersion de l’habitat mais aussi à la superficie du territoire, à la longueur de voirie, aux conditions climatiques, à l'absence parfois de transport, etc. D’autre part, pour compenser les charges d’entretien, exigences ou restrictions (notamment en matière d’aménagement et de développement) assumées par les communes et les départements de montagne soumis à un régime particulier de protection, la solidarité nationale doit compenser dans le calcul de la DGF les surcoûts, les services rendus et les manques à gagner. Enfin, la politique pour la montagne doit désormais reposer sur ses atouts, ses aménités et instaurer une réelle discrimination positive en faveur des zones de montagne.

  • Classer en Zone de Revitalisation Rurale les Départements qui ont plus de 50 % de leur territoire en zones de montagne. Cela permettrait ainsi de reconnaître les handicaps structurels sur ces territoires qui justifient l'application des mesures d’exonération de charges telles que prévues dans ces zones-là.

  • Rétablir un Fonds Montagne au niveau de l’État (fonds qui a été intégré dans le Fonds national pour l'aménagement et le développement du territoire sans fléchage montagne). Cela permettrait de disposer de dotations spécifiquement fléchées en faveur des zones de montagne pour soutenir des projets publics ou privés nécessaires au développement et à l'attractivité de ces territoires.

Services Publics

 

  • Sanctuariser les services publics, garants de la cohésion sociale, de l’égalité territoriale en territoire de montagne.

 

  • Prendre en compte les trois Allocations Individuelles de Solidarité dans les compensations mises en place par l’État. En effet les territoires de montagne doivent en particulier faire face à un vieillissement important de la population et donc à un poids important de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa).

 

  • Donner à La Poste une mission de service public à l'attention des personnes isolées (notamment les personnes âgées). Cela permettrait de leur offrir des services nécessaires à leur maintien a domicile qui ne sont pas assurées par d’autres structures (livraison médicaments, lien social).

 

  • Renforcer et pérenniser le soutien financier, par mobilisation de la solidarité nationale, en faveur du fonctionnement des Maisons d’Accueil des Services au Public (MASP) qui sont susceptibles de représenter une charge conséquente dans les territoires de zones de montagne.

 

  • Encourager financièrement la création d’unités de recherche délocalisées en zone de montagne. Notamment dans le domaine des ressources naturelles (forêt, sous produits de l'élevage, laine) afin de promouvoir de la création de valeur ajoutée.

     

  • Établir une solidarité nationale sur la téléphonie et le très haut débit. Cela paraît nécessaire au regard d’un constat partagé de « creusement » de l'écart du niveau de service entre les zones de montagne et le reste du territoire national (avec par exemple une téléphonie filaire dont le niveau de service se dégrade par défaut de maintenance et de renouvellement et la téléphonie mobile 5G dans les grandes métropoles). Cela doit se traduire par :

    – de vraies obligations envers les opérateurs privés dont le financement doit être pris en charge par la solidarité nationale ;

    – l’obligation faite aux opérateurs privés de mettre en place « itinérance » sur tous les pylônes de téléphonie mobile.

     

  • Renforcer l'égalité d’accès à la santé et aux services de soins.

    Pour cela, mettre en œuvre des dispositifs de nature à conforter l’attractivité des zones de montagne tels que :

– la mise en réseau des contrats locaux de santé qui nécessite d’être crée ou renforcé au niveau des bassins de vie ou bassins de clientèle de façon à faciliter les conditions de travail des médecins (remplacements, mutualisation logistique secrétariat, gestion administrative) ;

– la mobilisation d’aides publiques en faveur des maisons de santé de proximité au plus près des bassins de patientèle ;

– la mise en place par la solidarité nationale d’une présence à l’année d’un hélicoptère seul en mesure d’assurer valablement le service de secours d'urgence aux personnes (accès à un hôpital en moins de 45 minutes) et permettant ainsi d’éviter sur le territoire national des moyens d’accès au secours d’urgence à « deux vitesses ».

 

  • Renforcer la démographie médicale en décloisonnant les Agences Régionales de Santé référentes afin d’élargir la zone de prospection auprès des facultés de médecine les plus proches, dans le cadre des stages de 6 mois obligatoires à réaliser auprès d’un praticien : actuellement chaque département est rattaché à une faculté de médecine correspondant à la région administrative de rattachement, limitant de fait la zone de mobilisation potentielle des étudiants en médecine :

– imposer en contre-partie des études financées par l’État 5 ans de présence pour les médecins généralistes en zone de montagne ;

– mettre en place des remboursements différenciés pour les médecins en fonction des zones où ils s’installeraient.

Normes et réglementations en zone de montagne

 

  • Donner un pouvoir dérogatoire aux Préfets afin qu’ils puissent adapter les modalités de mise en œuvre des normes ou dispositions réglementaires nationales au regard des spécificités locales et de la capacité financière des collectivités locales et des opérateurs économiques compte tenu de leur faible taille singulièrement marquées dans nos zones de montagne.

    Ainsi, à titre d’illustration, quelques exemples de dispositifs qui pourraient justifier d’une adaptation réglementaire :

– permettre de financer des projets publics au-delà de 80% car la part d'autofinancement de 20% peut constituer une charge financière non absorbable par les collectivités locales et, de fait, constitue un frein à la réalisation de projets structurants notamment dans le domaine de la sécurisation de l'approvisionnement en eau potable ou de l'assainissement ;

– simplifier les procédures réglementaires pour la régularisation administrative des captages AEP des collectivités locales, au regard de la faiblesse des pressions anthropiques dans leur bassin d'alimentation croisée avec la taille très réduite des unités de distribution ;

– rééchelonner les délais de mise en conformité des Établissements recevant du public (ERP) aux règles normatives de mise en accessibilité ;

– encourager le développement de groupements d’employeurs multi-sectoriels favorisant la création d’emplois salariés partagés entre l'agriculture, collectivités locales et autres secteurs économiques, compte tenu de la faible taille des opérateurs économiques  qui n’ont pas la taille critique pour créer des emplois à temps plein dans leur structure isolément (avec par exemple déductions fiscales pour les employeurs des frais de structures qui accompagnent la mise en place et la gestion de ces emplois partagés) ;

– faciliter la modernisation de la petite hôtellerie qui, au regard de la forte saisonnalité de leur activité et de la faible taille de ces structures , n'ont pas la capacité à supporter économiquement leur adaptation aux attentes du marché (prévoir dispositifs de soutien aux investissements avec aides spécifiques aux zones de montagne, prévoir possibilité plus importante de déduction fiscale des amortissements) ;

– accompagner financièrement la reconversion de stations de ski  vers des sites d’Activités de Pleine nature 4 saisons.

 

Environnement

 

  • Soutenir les politiques vertueuses visant à améliorer le bilan carbone des territoires de Montagne, afin que ces territoires puissent être exemplaires dans la gestion de l'énergie, des déplacements, des déchets, de l'économie circulaire et du mode de consommation en circuits courts. Par exemple il pourrait être suggéré la création de Fonds Carbone à l'échelle des Massifs qui aurait vocation à soutenir des actions en faveur de la montagne, en particulier l'agriculture et la gestion sylvicole ; ce fonds pourrait être alimenté par une partie de l'écotaxe appliquée lors de la délivrance des cartes grises.

 

Gouvernance

 

  • Élargir la représentativité des départements au sein des Comités de Massif, en qualité de chef de file de la solidarité territoriale.

  • Donner plus de moyens financiers aux Comités de Massif afin de pouvoir disposer d’une capacité financière à la hauteur des enjeux spécifiques des zones de montagne. En effet, il y a une forte synergie à encourager sur ces territoires qui se rejoignent sur des enjeux partagés lesquels transcendent les frontières administratives des échelons régionaux.