Motion relative à la régulation du loup et la protection des troupeaux d'élevage

Mercredi 21 décembre 2022

Contexte de la motion

Lors du conseil départemental du 26 septembre 2022, les conseillers départementaux avaient adopté à l’unanimité une motion de soutien au monde agricole qui demandait la modification des textes protégeant le loup et la nécessité de prélever ce prédateur en prenant en compte le contexte local en particulier notre élevage extensif.

Lors de la 42e réunion de la Convention de Berne, qui s'est tenue du 29 novembre au 2 décembre 2022, le Comité Permanent de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe a adopté une décision relative à un amendement aux annexes II et III de l’accord.

La Suisse a soumis une proposition d'amendement visant à transférer le loup de l’annexe II de l’accord, « relative aux espèces de faune strictement protégées », à son annexe III, « relative aux espèces de faune protégées ».

 

De son côté le Parlement Européen a adopté une résolution en date du 24 novembre 2022 sur la protection des élevages de bétail et des grands carnivores en Europe. Ce même Parlement « déplore les conséquences que les attaques de grands carnivores ont sur le bien-être animal, y compris les blessures, l'avortement, la diminution de la fertilité, la perte d'animaux ou de troupeux entiers et la mort de chiens de garde, et invite la Commission et les Etats membres à tout mettre en œuvre pour éviter les souffrances et les dommages causés aux animaux d'élevage » et « reconnaît que les attaques de grands carnivores sont en augmentation dans toute l'Europe, qu'elles ont déjà fait des victimes humaines et qu'elles ont eu des effets négatifs pour les éleveurs […]

Alors que nos éleveurs sont en proie à de multiples attaques de loup, la France au sein du Conseil de l’Union Européenne, par la voix de son gouvernement a pris position contre cette proposition, au grand étonnement des élus et des professionnels des territoires touchés par cette prédation.

 

Caractéristiques du territoire Lozérien

La Lozère est entièrement classée en zone de montagne (moyenne montagne), la place de l'agriculture et principalement de l'élevage dans l'économie et l'emploi, est essentielle. L'agriculture représente le deuxième secteur de l'économie lozérienne, soit plus de 3 000 exploitations (14 % de la population active contre 4 % au plan national).

Spécificités de l'élevage ovin en Lozère, et à un moindre degré des autres élevages

Du fait du relief, du parcellaire, de l'embroussaillement, de la présence importante de forêts (45 % du territoire) et de petits lots d'animaux, les troupeaux sont dans la plupart des cas non « protégeables ». En effet, excepté quelques transhumants, les troupeaux d'ovins sont de taille beaucoup plus réduite que dans les Alpes. Ici, les éleveurs ne peuvent rassembler leurs troupeaux dans de grands parcs équipés et protégés comme c'est le cas dans les alpages d'altitude. Ils sont dispersés dans des parcours très étendus et donc très difficiles à protéger.

Aujourd’hui la plupart des troupeaux sont protégés mais clôtures, patous...ont montré leurs limites puisque les troupeaux sont quand même prédatés ; de plus dans un territoire touristique où la randonnée et les activités de pleine nature sont présentes, d’autres conflits d’usages et risques pour l’homme sont apparus.

La présence permanente du loup (avec reproduction et développement de l'espèce, constitution de meutes) est incompatible avec la conduite locale de l’élevage extensif, notamment ovins dans nos moyennes montagnes. De plus, en saison chaude, du fait de la forte chaleur diurne (climat méditerranéen), les moutons « chôment » (ils ne mangent pas ou que très peu) le jour. Ils se nourrissent donc essentiellement la nuit et, pour cette raison, ne peuvent être parqués sur une petite parcelle.

Aussi, en Lozère, comme dans les départements voisins de moyenne montagne, la problématique de la prédation par les loups (ou les hybrides) est particulièrement prégnante et cause la détresse des éleveurs : stress permanent pour eux comme pour leurs familles, inquiétude pour l'avenir, heures supplémentaires de travail non rémunérées, contraintes lourdes et surcoûts importants imposés, indemnisations non complètes…

Aujourd’hui avec la question de la transition écologique et le réchauffement climatique, la présence du loup entraîne une fermeture des milieux et une augmentation du risque incendie.

L'agropastoralisme, pratique ancestrale d'élevage extensif sur des parcours et sa production de qualité, remis en cause par les attaques

Malgré les cahiers des charges des AOP en vigueur sur le territoire (Roquefort, Pélardon), les temps passés en bergerie sont maximisés au détriment du pâturage sur les vastes parcours naturels ou en sous-bois. Les exploitants n'ont plus d’autonomie fourragère en augmentant ainsi le temps en bergerie ce qui les contraint à acheter du fourrage et donc à mettre en déséquilibre la santé économique, déjà fragile, de leur exploitation.

La densification de cultures pour essayer de pallier ce déficit de pâturage transforme nos paysages essentiellement composés de prairies naturelles et de pâtures à forte biodiversité.

Les parcours où ne paissent plus de troupeaux de petits ruminants sont voués à la déprise agricole et à la fermeture inexorable des milieux. Dans des zones déjà naturellement sensibles, le risque accru d'incendies ravageurs est particulièrement nocif et coûteux pour la société. L'abandon de ces parcours entraîne un embroussaillement rapide de ces surfaces, la perte de leur biodiversité et une transformation visuelle de ces paysages pouvant remettre en cause leur maintien sur la liste du patrimoine mondial, leur Valeur Universelle Exceptionnelle disparaissant.

C’est aussi toute une culture ancestrale de savoir-faire qui disparaît ainsi que la dégradation du patrimoine vernaculaire agropastoral lié à cette pratique. Pratique reconnut par l’UNESCO au titre du patrimoine vivant.

Le mouton étant le meilleur allié de l'homme dans nos régions pour l'entretien de la nature et la préservation de la biodiversité, il faut tout faire pour maintenir et développer l'agropastoralisme.

Le loup remet en cause tout un système d'élevage et, avec lui, tout un écosystème et d’autres éléments de biodiversité !

De plus en plus de communes du territoire Causses et Cévennes sont impactées par la présence du loup et les 4 départements concernés par l'inscription au patrimoine mondial sont touchés. C'est pourquoi, l'Entente Interdépartementale Causses et Cévennes, dont le Conseil Scientifique a attiré l'attention sur « l'incompatibilité, en l'état actuel des techniques, entre la pratique d'un élevage extensif et la présence permanente d'une population de loups », souligne que ce mode d'élevage est un facteur fondamental du maintien et de l'évolution des « paysages culturels de l'agropastoralisme des Causses et des Cévennes, tels qu'ils ont été consacrés comme éléments du Patrimoine Mondial par l'Unesco en 2011 ».

Constat sur les mesures de protection

Or, ici plus qu'ailleurs, les mesures de protection des troupeaux contre les attaques de loups, avec maintenant au moins une meute installée sur le Mont-Lozère, montrent aujourd'hui leurs limites devant l'augmentation considérable des pertes d'animaux domestiques. L'expérience montre en effet que le loup s'adapte et déjoue les dispositifs de protection.

C’est pourquoi le Département de la Lozère, comme aménageur du territoire, réitère son appel, comme lors de la commission permanente du 26 septembre 2022, à une modification des textes protégeant le loup afin d’accompagner le monde agricole et à l’impérative nécessité de prélever des individus.

Considérant que depuis aucune évolution n’a été perceptible et qu’il est nécessaire de prendre en compte :

  • le risque de déclin de l’activité agricole et par voie de conséquence touristique, essentielle à l’économie de nos territoires ruraux et au maintien des paysages,

  • la mise en cause de la viabilité des exploitations et le découragement pour les transmissions ou les installations nouvelles.

Le Conseil départemental, une fois encore, doit accompagner le monde agricole, y compris par le financement d’aide financière pour l’achat d’armes adéquat, qui réclame une modification des textes protégeant le loup et des prélèvements en urgence.

 

Conclusion

L’Assemblée départementale demande :

  • la réévaluation du statut du loup au niveau européen (Convention de Berne), l'espèce lupine n'étant plus aujourd'hui « menacée » en France et encore moins en Europe ;

  • le prélèvement significatif de plusieurs individus sur le territoire ;

  • l’installation d’une brigade loup nationale en Lozère ;

  • la révision de la Disposition qui soumet à l'unanimité des États membres de l'Union Européenne la modification de l'annexe 4 : un vote à la majorité qualifiée permettrait une gestion adaptée des espèces protégées ;

  • l'abandon du seuil minimum de 500 loups de population viable dans le futur « Plan loup 2018 / 2023 » ;

  • la réévaluation des plafonds de prélèvements autorisés (tirs d’élimination) ;

  • une application adaptée de la réglementation à un territoire et à son économie pour la zone du PNC, il doit y avoir les mêmes règles qu’ailleurs, à savoir les tirs renforcés ;

  • des procédures de constat transparentes : accès au double du constat établi par l'OFB, aux résultats d'analyses ADN... ;

  • que la France prenne position favorablement à l’avenir sur toute proposition qui viserait à réévaluer le statut du loup.