A l'initiative du Conseil départemental de la Lozère et de l’antenne Lozère du Centre Régional de la Propriété Forestière (CRPF), les différents acteurs intervenant dans les domaines de l’eau et de la forêt ont été conviés en décembre à discuter de ce thème complexe, parfois conflictuel mais surtout très important pour notre département.
Ainsi, pour la première fois, tous, élus, forestiers, techniciens de rivière et de l’environnement ont pu échanger sur les interactions entre milieux boisés et aquatiques et ainsi mettre fin à partir d’éléments scientifiques à des idées reçues, souvent lacunaires ou erronées telles que : « Les forêts assèchent les cours d’eau », « L’acidification des eaux vient des forêts », etc.
Pour permettre des débats constructifs et objectifs, des spécialistes avaient été conviés à témoigner (Julien Fiquepron - Institut pour le Développement Forestier, Gilles Charrade et Laure Dhombres - Conseil départemental de la Lozère, Pauline Marty - CRPF, Yannick Manche - Parc national des Cévennes).
L’eau constitue un enjeu majeur de notre territoire aujourd’hui et pour demain, tant du point
de vue de sa quantité que de sa qualité. Cette eau permet le développement des populations, la réalisation des activités humaines mais assure aussi le maintien de la diversité de nos milieux, de nos ruisseaux et de nos rivières. En Lozère, département assez fortement boisé (moyenne départementale de 45% de sa surface contre une moyenne nationale de 29%), cette ressource eau est bien souvent en interaction avec le milieu forestier : zones de captages, traversée de massifs forestiers par les rivières, zones humides …
Les enjeux prioritaires du département pour l’eau potable concernent l’approvisionnement en eau (nombreux captages avec une faible productivité) et la qualité de l’eau distribuée (bactériologie). Le réseau s’appuie principalement sur des eaux souterraines prélevées pour la majorité d'entre elles à faible profondeur à partir de 929 sources.
Les bassins d’alimentation de ces sources sont couverts à 75% de forêts, majoritairement privées (77%).
Est-ce que la forêt joue un rôle sur la quantité d’eau disponible dans nos cours d’eau et nos sources ? Il s’agit d’une question clé qui intéresse particulièrement les Lozériens. Les réponses à cette question ne sont pas évidentes. D’un côté, les forêts favorisent les sorties d’eau vers l’atmosphère. Elles sont composées d’arbres, végétaux qui peuvent intercepter beaucoup d’eau de pluie avant qu’elle ne tombe au sol (15 à 30% d’interception pour les feuillus, 25 à 45% pour les résineux) : c’est l’effet parapluie. De plus, comme toute végétation (herbes, arbustes…) ces arbres prélèvent de l’eau dans le sol : c’est l’effet pompe. D’un autre côté, la forêt permet une meilleure infiltration de l’eau dans les sols notamment grâce au rôle des racines sur la porosité du sol. En période de sécheresse, les arbres sont également capables de réguler leur consommation en eau par le ralentissement de leur fonctionnement dès lors qu’un seuil de déficit hydrique est atteint.
Les expériences menées par l’UMR 7300 "ESPACE" du CNRS avec le Parc national des Cévennes depuis 30 ans sur un bassin versant du Mont Lozère montrent une faible différence de débits sur des espaces boisés puis coupés ou sur des espaces nus puis reboisés. Dans cet exemple, les rôles positifs et négatifs que l’on pouvait attendre de la forêt sur les débits n’ont pas été marquants. D’autres éléments extérieurs semblent prépondérants sur le régime des débits. Ce type de dispositif expérimental est très rare sur une longue période. C’est une richesse qu’il convient de maintenir pour progresser dans la compréhension des liens forêt/quantité d’eau.
Ainsi, les forêts prélèvent de l’eau dans les milieux mais l’importance de ces prélèvements est à relativiser, notamment par rapport à d’autres critères clés comme les variations météorologiques, la nature des sols ou les évolutions climatiques. Il est difficile de généraliser les résultats, car ils diffèrent beaucoup selon l’échelle d’observation. Néanmoins, la forêt n’apparaît pas, en l'état actuel des connaissances, comme un élément déterminant sur la disponibilité des réserves d’eau lors des années sèches. Les facteurs prépondérants restent la quantité de précipitations, la capacité des sols à emmagasiner l’eau ainsi que la régulation hydrologique constituée par les zones humides
Pour cette question, les éléments de réponse sont mieux cernés. La forêt apporte un réel plus par rapport à la qualité des eaux, pour deux raisons majeures :
Ces constats ont incité de nombreuses communes ou agglomérations (Saint-Etienne, Rennes, Munich…) à investir dans des boisements ou acquérir des forêts pour protéger leurs captages, afin de garantir sur le long terme la qualité de leur eau.
Ce n’est pas parce que l’eau provenant des forêts est généralement bonne qu’il ne faut rien faire !
Les risques d’altération de la qualité sont liés à de mauvaises conditions d’exploitation pouvant perturber les sols (création de voirie mal conçue, circulation d’engins dans des conditions météorologiques défavorables…). C’est pourquoi, certains services d’eau potable travaillent en partenariat avec les forestiers pour optimiser la gestion forestière, en conciliant production de bois et protection de l’eau. Développer ces partenariats, tel est l’objectif du programme « Eau + For », mené par les forestiers privés.
La forêt constitue donc bel et bien un filtre efficace pour préserver la qualité de l’eau. Ainsi, le Conseil départemental de Lozère considère la forêt comme un gage de protection des captages. Ce rôle protecteur peut être renforcé par des consignes de gestion dans les zones les plus sensibles (au sein des ripisylves, des zones de captage d’eau potable…).
Sur ces constats, la réunion s’est terminée par des échanges entre les différents acteurs au sujet des actions qui pourraient être menées afin de mieux connaître, mieux appréhender et surtout agir de manière favorable sur ces deux milieux forestiers et aquatiques. Quatre thèmes ont été identifiés et feront l’objet de groupes de travail spécifiques pour réaliser des actions concrètes :
1) Travailler avec les forestiers sur la prise en compte de consignes de gestion au sein des périmètres de protection des captages d’eau potable.
2) Définir une politique active de gestion, d’entretien et de valorisation des ripisylves.
3) Mieux connaitre les interactions entre milieux humides et espaces forestiers : préconiser des interventions localisées.
4) Établir un guide de recommandations relatif au mode de gestion et d'occupation des bassins versants par l'espace forestier afin de tendre vers un équilibre entre le nécessaire approvisionnement en sédiments des rivières et la protection contre l'érosion des sols (gestion des travaux de voirie notamment).