Sur le plateau des Bondons, baigné de lumières changeantes et balayé par les vents, les randonneurs découvrent 154 menhirs au gré de leur promenade... parfois par hasard. Pour la Présidente du Département et les élus du Mont Lozère, ce trésor mériterait d'être mieux valorisé.
Un peu sacré, toujours mystérieux, le but de cette concentration de menhirs sur la Cham des Bondons reste obscur, même pour les spécialistes. Quelques théories ont été avancées : des plus extravagantes comme le balisage d'une piste d’atterrissage pour extraterrestres aux plus crédibles comme la théorie d’un rituel religieux ou funéraire peut-être lié à l’observation des astres. Reste une certitude : il y a bien longtemps, des hommes se sont arrêtés ici et ont uni leurs connaissances et leurs savoir-faire pour déplacer ces énormes blocs de pierre sur une longue distance, probablement depuis la carrière de Fontpadelle. Cela on le sait car tous les mégalithes, menhirs et dolmens, sont en granit alors que le sol est exclusivement calcaire.
Notre machine à remonter le temps nous envoie donc au début du Néolithique, vers le 6e millénaire avant JC. à cette époque, l’apparition de l’agriculture et de l’élevage ont permis la sédentarisation des populations et les premiers villages sont sortis de terre. Nouveaux outils, développement des échanges commerciaux et complexification des rites funéraires sont autant d'éléments qui, selon les archéologues, ont donné naissance au mégalithisme dont nous voyons encore aujourd'hui les vestiges.
Une centaine de menhirs redressés
Le site des Bondons est considéré comme l’un des plus importants sites mégalithiques de France, juste après les alignements de Carnac, dans le Morbihan et le site de Paddaghju en Corse, mais contrairement aux blocs de Carnac admirablement bien alignés, les menhirs des Bondons ont été dressés en petits groupes ou isolément, plantés ça et là tel des signaux balisant l’immensité des hautes terres... Sans doute en manque-t'il certains, soit toujours enfouis, soit réutilisés par des carriers. « La plupart des menhirs sont couchés et il a fallu attendre les dernières décennies du XXe siècle pour que quelques pierres soient redressées, raconte Isabelle Darnas, conservatrice départementale du Patrimoine. La "Pierre des Trois Paroisses", le plus haut des menhirs des Bondons recensé, devait à l’origine mesurer près de 6 mètres de haut. Malheureusement, une partie de ce menhir a été sectionnée et emportée par des carriers qui souhaitaient récupérer des matériaux sur le site. Actuellement, cent menhirs environ ont été relevés ». Cet ancien monde, cet autre rapport à l'environnement, c'est cela que le Département souhaite valoriser et mettre en scène. « Le patrimoine c'est une priorité de ce mandat, explique la Présidente du Département Sophie Pantel, à l'initiative du projet. Le site est un attrait touristique pour l'ensemble du territoire car, si les mégalithes sont le point de départ, nous souhaitons aussi élargir le regard vers nos vastes paysages, géographie, géologie et histoire confondues ».
Un projet ambitieux déjà sur les rails
Le projet imaginé par le Département va bien plus loin qu'un simple sentier d'interprétation avec un bâtiment qui pourrait sortir de terre dès 2025 comprenant un espace scénographique ludique et pédagogique mariant habilement les explications scientifiques de la formation de l'environnement et les contes et légendes associés, ainsi qu'un lieu de restauration tourné vers les produits locaux et les circuits courts. à l'extérieur, un belvédère ouvert sur le paysage à 360° permettra une nouvelle lecture des monts.
« Pour boucler le financement des Bondons, nous savons pouvoir compter sur nos précieux partenaires qui eux aussi croient en ce projet déjà bien abouti. Considérant l'intérêt patrimonial de ce site et l'ambition du projet départemental, cette opération est lauréate de l'appel à projets Avenir Montagne Investissements initié par le Commissariat du Massif Central et bénéficie déjà d'une aide à hauteur de 30%. Après plusieurs mois de travail invisible, nous avons bien avancé : l'équipe pluridisciplinaire réa-
lisant la maîtrise d'œuvre et la scénographie a été choisie, les terrains ont été achetés, le projet scientifique et culturel est achevé ».
Rendre les menhirs visibles de tous, c'est aussi susciter la question de leur protection. Aujourd'hui, si ce projet voit le jour, c'est aussi grâce au travail de longue haleine mené par le regretté Gilbert Fages (1941-2022). Ce Lozérien, ingénieur au service régional de l'archéologie (DRAC), était une véritable référence en matière d'archéologie. Très sensible à la question du devenir et de la préservation des menhirs, c'est lui qui a été l'instigateur de leur relevage.
Cet article est extrait du Couleurs Lozère Magazine n°64