Bercy taille dans ses effectifs. Le ministère de l'Action et des Comptes publics devrait connaître une « baisse totale» de ses effectifs « d'environ 5 800 emplois sur les trois années entre 2020 et 2022». C'est ce qu'a annoncé le ministre Gérald Darmanin aux cinq organisations syndicales concernées, mardi 3 septembre. U ne annonce inquiétante qui a conduit Sophie Pantel, présidente du Conseil départemental de la Lozère à convoquer une séance extraordinaire publique ce vendredi 6 septembre, ouverte au débat et à laquelle l’Association des Maires et Élus de la Lozère, les parlementaires, la Région Occitanie, les chambres consulaires et les élus lozériens étaient conviés. À l'ordre du jour, la motion contre la réorganisation des services de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP) en Lozère.
Il faut savoir que le département de la Lozère a fait partie des 12 derniers départements à avoir réalisé la fusion des services du Trésor (115 agents) et des Impôts (91 agents). En 2005, il y avait 21 trésoreries situées sur les bourgs-centres des anciens cantons.
Conséquence de la fermeture de la trésorerie de Saint-Alban-sur-Limagnole en 2015, puis des trésoreries mixtes du Bleymard, de Meyrueis et de Villefort en 2016, il n'y a aujourd'hui plus que 7 centres répartis sur les bourgs-centres des bassins de vie : La Canourgue, Le Collet-de-Dèze, Florac, Langogne, Marvejols, Mende, Saint-Chély d’Apcher.
Sur 2019/2020, la restructuration se poursuit avec la volonté de transférer tous les Services des Impôts des particuliers (SIP) et tous les Services des Impôts des Entreprises (SIE) à Mende ; de fermer définitivement les trésoreries du Collet de Dèze dès le 1er janvier 2020 et de La Canourgue au 1er janvier 2021 ; de fusionner celles de Saint-Chély d'Apcher et de Marvejols au 1er janvier 2022 ; de procéder à la fusion-absorption de la paierie départementale par la trésorerie principale de Mende ; de scinder la TP/Paierie pour mettre en place une trésorerie « hôpitaux » et de mettre en avant les Maisons France Services afin d'homogénéiser les actuelles Maisons de Services au Public. Ce dernier point entraînerait un transfert de charges de l’État vers le Département et les Communautés de Communes déjà très impliqués dans la coordination des MSAP, assumant le financement des postes et l'entretien des locaux.
Selon les syndicats, la DDFiP 48 ne compte plus que 152 emplois et aura perdu 54 emplois depuis la fusion DGI-Trésor en 2011. Cette nouvelle réforme pourrait entraîner la suppression, à la DDFiP de la Lozère, de 29 emplois supplémentaires d'ici 2022, et d'au moins 7 autres en 2023.
Cette motion contre la réorganisation des services de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP) en Lozère a été adoptée à l'unanimité des conseillers départementaux et a remporté le soutien de l'ensemble des 130 personnes présentes tels que Jacques Blanc, président de l'Association des Maires qui souhaite qu'en Lozère « on ait la spécificité d'avoir des Maisons France Services multi-sites », du député Pierre Morel-à-Lhuissier qui a remercié le Département pour cette initiative « On nous parle de concertation mais il n'y a rien : ni débat à l'Assemblée nationale, ni étude d'impact alors que c'est toute l'organisation administrative française qui est affectée. Cette démarche commune doit maintenant être relayée au niveau national » ; et même du sénateur Alain Bertrand qui était représenté par son attachée parlementaire et qui a assuré que le sénateur était actif contre cette réorganisation de DDFIP et qu'il avait écrit en ce sens au Ministre Darmanin ainsi qu'au Président. Enfin, Carole Delga, présidente de la Région Occitanie avait, un peu plus tôt, elle aussi assuré son soutien à cette initiative.
Au moment des prises de paroles, de nombreux élus ont témoigné des déboires rencontrés dans leurs communes depuis que les services publics fiscaux ont diminué et pointé du doigt les retards de traitement de l'administration fiscale. Pour Eric Bessac, maire Saint-Michel de Dèze, « nos administrés reçoivent régulièrement des rappels de majoration pour des retards d'impayés ; or, c'est la trésorerie à laquelle nous sommes rattachés qui traite les chèques avec trop de retard ; Cela coûte à tout le monde ». Jean de Lescure, maire de Saint-André-de-Capcèze met en garde : « Méfiez-vous des promesses. À l'époque, de la fermeture de nos deux trésoreries, nous avions négocié des permanences. Mais celles-ci ont été organisées sans communication, sans information. Elles ont donc été rapidement supprimées faute de présence des usagers. Maintenant, on expérimente le système des régies et on se rend à la trésorerie la plus proche, c'est-à-dire à plus d'une heure de route ». Michel Reydon, maire de Vialas confirme : « Les restructurations, je n'y crois pas un instant et je suis avec vous dans ce mouvement. Je ne vois pas comment on peut supprimer des postes et même temps nous expliquer que les nouveaux dispositifs vont pallier aux carences de l’État ». Bien que peu impacté par cette réorganisation, Laurent Suau, en tant que maire de Mende, estime que « la carte de la DDFIP ne respecte plus nos bassins de vie ». Il abonde donc dans le sens de cette mobilisation et se dit solidaire de tous les autres territoires du département.
Tous s'accordent à dire que cette destruction systématique des services de l'État ne date pas d'hier. Pour Robert Aigoin, « la population a été alertée plusieurs fois, les élus ruraux se sont mobilisés au Collet de Dèze, puis à Florac. C'est une saignée supplémentaire qu'on nous annonce. C'est également très regrettable humainement, une sorte de régression, puisqu'on est en train d'expliquer à des agents qu'ils seront de véritables couteaux-suisses, faisant tout et n'importe quoi. Et puis cette dématérialisation à outrance m'inquiète, un jour ça plantera et on se rendra compte des limites de ce système ». La conseillère départementale Valérie Fabre se dit elle aussi inquiète pour l'avenir « La population n'est pas prête au tout numérique qui s'impose à nous ». Le conseiller départemental et maire de Rieutort de Randon, Patrice Saint-Léger « soutient pleinement cette motion » car cette disparition des services publics a une incidence plus forte sur les territoires ruraux et Henri Boyer d'ajouter que l'on se « cantonne à une politique bêtement chiffrée et non plus à une politique d'aménagement du territoire. Partout, l’État se désengage, y compris sur l'entretien de ses propres infrastructures. Le comble, c'est que lorsque les collectivités compensent ses manques, l’État estime qu’elles sont trop dépensières ; on nous interdit d'embaucher et on nous contraint en dépenses de fonctionnement ».
En tant qu'ancienne salariée du Trésor Public, la conseillère départementale Eve Brézet a elle aussi constaté cette triste évolution au fil des années. « Nous risquons de devenir un no man's land au milieu de la France. Les plate-formes sont toujours axées sur le paiement et plus du tout sur le conseil ou le renseignement. Le citoyen est très mal traité et l'élu aussi. Il est laissé seul face à lui-même en termes de responsabilités et face aux risques liés au foisonnement de la législation fiscale ».
Florence Vignal, présidente de la Chambre des Métiers de la Lozère est « ravie de voir que les initiatives convergent. Il nous faut faire front commun et j'adhère à l'ensemble de vos propositions d'autant qu'à l'heure actuelle, l'inquiétude des entreprises est immense. Moins d'agents de la fonction publique = moins de familles. Moins de familles = moins de clients. Moins de clients = des marchés de commandes en berne et des entreprises qui ferment. Qui va vouloir s'installer dans nos territoires ? Les touristes ont beau être séduits par la beauté de nos paysages, ils n'achèteront pas de maisons dans des endroits où il n'y a ni boulangerie, ni service, ni rien... »
Enfin, certains représentants syndicaux ont également souhaité s'exprimer. Guillaume Martin pour l'Union Départementale de la CGT a remercié la Présidente du Département pour son écoute : « nous avons souvent l'impression de prêcher dans le désert mais là, ça n'a pas été le cas. Nous souhaiterions rappeler que le service public est trop souvent vu et considéré comme un coût, il est pourtant une richesse ». Quant à Désiré Ropers, de Sections Solidaires Finances Publiques, il a rappelé l'action de mobilisation organisée un peu plus tôt dans la matinée et qui a rassemblé près de 70 % de grévistes. « La DDFIP a perdu un tiers de ses effectifs en 9 ans. Notre combat est légitime car nous sommes fonctionnaires mais avant tout Lozériens et il est désastreux de voir à quel point notre administration s'éloigne des usagers. Merci aux élus de nous avoir entendu et à Sophie Pantel pour son écoute tout au long de l'année».
A l'issue du vote, une délégation a pu être reçue par le secrétaire général de la Préfecture Thierry Olivier afin de lui faire connaître la position du Département. Par principe, le Département n'est pas hostile à l’idée de réformer… mais à condition que les restructurations apportent effectivement une plus-value dans l’organisation et le maillage des services rendus au public. Dans une société en perpétuelle mutation, il est normal que les structures institutionnelles évoluent et s'adaptent à la société et aux attentes des citoyens ; le Département modifie régulièrement son organisation pour faire face aux enjeux issus des lois de décentralisation et plus récemment de la loi NOTRe en gardant un niveau de service constant pour les habitants du territoire.
L’État lui aussi doit être exemplaire et les territoires ruraux doivent pouvoir compter sur la solidarité nationale pour asseoir leur vitalité et leur développement. Or, force est de constater aujourd’hui que l’ensemble des réformes réalisées en matière d’organisation de trésoreries et concrétisées par des fermetures, bien que présentées comme la mise en place d’une efficacité renouvelée, se sont en réalité traduites par une diminution nette des services au public.
Alors que toutes nos politiques sont tournées vers l'attractivité du département, ces emplois perdus se traduiront par des familles qui vont quitter la Lozère et une diminution de service public pour les entreprises et les habitants qui souhaiteraient s'installer dans notre territoire.
Le mouvement des gilets jaunes, et la concertation locale qui a suivi, ont mis en exergue le sentiment d'abandon d'un grand nombre de citoyens en matière de services publics. Même si le coût des services est plus important au vu du faible nombre d'usagers, il est essentiel d’assurer une répartition équilibrée des services publics régaliens, garant du lien social et du pacte républicain. Et pour cela, il convient de sortir du ratio population/usager.
Sophie Pantel a déjà alerté Monsieur le Ministre des comptes et de l'action publique à ce sujet en allant le rencontrer à Paris avec Laurent Suau le 8 juillet dernier. Ce dernier a été sensibilisé à la nécessité de préserver à minima le maillage territorial actuel dans les bassins de vie, compromis essentiel pour conserver proximité, efficience et viabilité des services.
A l’heure où une phase de concertation semble en cours dans les départements, chacun souhaite savoir quel sera concrètement l’impact de cette réorganisation sur la qualité des services rendus par les DDFiP. La mobilisation va continuer.